dimanche 17 janvier 2010

Le pape Benoît XVI en visite à la synagogue de Rome


LE MONDE | 16.01.10 | 14h19 • Mis à jour le 17.01.10 | 14h58

Vingt-quatre ans après la visite historique qu'y avait effectuée son prédécesseur Jean Paul II, le pape Benoît XVI doit se rendre, dimanche 17 janvier, à la synagogue de Rome. La visite, prévue de longue date, intervient un mois après que Benoît XVI eut, une nouvelle fois, soulevé la colère d'une partie de la communauté juive mondiale en proclamant, le 19 décembre, les "vertus héroïques" du pape Pie XII. Cette étape a ouvert la voie à la possible béatification de ce pape controversé pour son attitude envers les juifs durant la seconde guerre mondiale.
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La relance du processus de béatification, qui avait pris de court le monde catholique, avait été suspendue afin de ne pas envenimer les relations entre le Vatican et le monde juif mises à mal en janvier 2009 par la levée de l'excommunication d'un évêque négationniste, Richard Williamson. L'annonce de décembre a durant quelques jours laissé planer le doute sur la venue du pape à la synagogue. Le président des rabbins italiens a décidé de boycotter l'événement.

"Nous devons dire à la communauté juive ce que Pie XII a fait en faveur des juifs pendant la seconde guerre mondiale et qui n'est pas assez connu", a de son côté défendu le cardinal Walter Kasper, chargé au Vatican des relations avec les juifs. "Pie XII a suivi la volonté de Dieu telle qu'il la comprenait à cette époque, nous ne pouvons le juger avec la mentalité d'aujourd'hui."

Cette explication lui a valu une réponse cinglante du grand rabbin de Rome, Riccardo di Segni, hôte de Benoît XVI dimanche : "Je pense qu'il est moralement et religieusement dangereux de dire que la volonté de Dieu est de rester silencieux." Le grand rabbin a néanmoins espéré que cette visite contribuera "à la lutte contre l'intolérance en général et envers les juifs en particulier". Pour Benoît XVI, qui sera accompagné par le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, cette visite marque "une nouvelle étape sur le chemin irrévocable de la concorde et de l'amitié".

Soixante-dix ans après la Shoah et en l'absence de l'ouverture complète des archives vaticanes de cette époquela controverse sur l'attitude de Pie XII demeure vive. Les raisons qui, en dépit de ce contexte, ont amené le pape à donner un coup d'accélérateur à ce dossier ouvert en 1965 continuent de poser question.

"IL ÉTAIT URGENT D'ATTENDRE"

Benoît XVI a eu accès aux conclusions des historiens chargés, pour la Congrégation de la cause des saints, d'examiner le rôle de Pie XII durant la guerre : "Il en aurait conclu que rien d'accablant ne s'oppose au processus de béatification", estime un connaisseur du Vatican. "En revanche, rien ne dit que la reconnaissance d'un miracle, seconde étape nécessaire à la béatification, arrive rapidement." "Certaines personnalités ont été reconnues "vénérables" et attendent depuis des siècles que leur soit attribué un miracle", rappelle l'historien Jean-Dominique Durand. Cet élément a pu apaiser une partie de la communauté juive.

Plus largement, la décision de Benoît XVI souligne la tendance du Vatican à béatifier tous les papes, y compris l'éphémère Jean Paul Ier. "Cela s'inscrit dans la volonté d'assurer la continuité de la papauté", défend un cardinal romain. "On n'approuve pas les actes d'un gouvernant mais ses vertus chrétiennes", précise-t-il, tout en reconnaissant que, dans le cas de Pie XII, "il était urgent d'attendre". Benoît XVI s'inscrirait donc dans cette tradition qui, depuis un siècle, voit là une manière de sacraliser la papauté et de réaffirmer son autorité sur fond de perte d'influence. Des groupes de pression, attachés à l'infaillibilité des papes, plaident en ce sens à Rome.

"Béatifier, c'est proposer aux chrétiens un modèle de sainteté ; en quoi Pie XII correspond-il à ce modèle ?", s'interroge un théologien, qui tout en reconnaissant à ce pape des qualités, rappelle que son pontificat fut aussi celui de la condamnation de théologiens et des prêtres ouvriers.
Stéphanie Le Bars

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