lundi 22 avril 2013


La Pologne célèbre le 70e anniversaire de l'insurrection du ghetto de Varsovie

Annoncée par des sirènes et les cloches des églises, une cérémonie du souvenir a eu lieu vendredi devant le mémorial aux héros du ghetto de Varsovie, 70 ans après qu'une poignée de combattants juifs attaquèrent les nazis pour mourir l'arme à la main plutôt que dans un camp d'extermination.
Un millier de personnes se sont réunies pour cette cérémonie, à laquelle participaient le chef de l'État polonais Bronislaw Komorowski, le président du Parlement européen Martin Schulz, le ministre israélien de l'Éducation Shai Piron et des survivants de l'Holocauste.
"Aucune capitale en Europe n'a été détruite au même point que Varsovie, transformée en amas de ruines, car aucune n'a lutté trois fois contre l'envahisseur, en 1939, en 1943 et en 1944", a rappelé M. Komorowski.
"Les Polonais et les juifs ont payé un lourd tribut, mais le drame des juifs est particulièrement effrayant au vu de l'étendue des atrocités", a-t-il souligné.
Lors de la cérémonie, M. Komorowski a décoré d'une haute distinction polonaise l'un des derniers combattants de l'insurrection, Simcha Rotem, appelé Kazik, 89 ans.
"Vous avez aussi lutté pour une Pologne indépendante. Je vous remercie au nom de la Pologne et des Polonais", a-t-il déclaré.
Simcha Rotem, âgé de 19 ans à l'époque, avait réussi à évacuer par des égouts une poignée d'insurgés. Il est arrivé mercredi d'Israël où il vit, pour participer aux cérémonies dans sa ville natale.
"Nous ne pensions en aucun cas que nous allions vaincre les Allemands. C'était clair", a-t-il raconté à l'AFP après son arrivée.
Au Bundestag allemand une minute de silence a été observée vendredi à la mémoire des insurgés de Varsovie.
"Nous nous souvenons avec une grande humilité de la souffrance, du sens du sacrifice et de l'aspiration à la liberté des gens du ghetto de Varsovie", a déclaré à Berlin le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle.
"Nous rendons hommage aux femmes et aux hommes courageux qui se sont soulevés il y a 70 ans à Varsovie contre leurs oppresseurs", a-t-il dit.
Les participants à la cérémonie de Varsovie ont ensuite visité un nouveau musée d'Histoire des Juifs de Pologne, qui doit témoigner d'une coexistence millénaire complexe entre juifs et Polonais.
Un cortège de quelques centaines de personnes est passé devant le mémorial d'Umschlagplatz, lieu de départ de trains vers les chambres à gaz du camp de Treblinka où les Allemands nazis ont envoyé plus de 300.000 juifs de Varsovie.
Dans toute la capitale, des volontaires distribuaient des jonquilles en papier que les gens accrochaient à leur vestes et manteaux, en souvenir de Marek Edelman, le dernier commandant du soulèvement juif, décédé en 2009, qui avait l'habitude de marquer chaque anniversaire de l'insurrection en déposant en solitaire un bouquet de ces fleurs jaunes au pied du mémorial.
"Nous voulons rappeler aux Varsoviens qu'il y avait deux insurrections. Que l'insurrection au ghetto était également une lutte pour la liberté, même si certains disent que c'était une lutte pour mourir dignement", a déclaré à l'AFP une bénévole, Waleria Platek, 21 ans.
C'est la première fois que les cloches des églises ont carillonné à l'occasion d'un anniversaire de l'insurrection du ghetto, dont il ne reste que de rares vestiges.
Lors des messes de vendredi à dimanche, une prière devait être récitée dans les églises de la capitale en mémoire des héros de l'insurrection, sur décision de l'archevêque de Varsovie, Mgr Kazimierz Nycz.
"C'est une décision et un geste très importants de la part de l'Eglise", a déclaré à l'AFP Piotr Kadlcik, président de la communauté juive de Pologne. "Après les cérémonies, je vais adresser une lettre de remerciement à l'archevêque Nycz", a-t-il ajouté.
"Je viens ici depuis des années et je suis touchée que pour la première fois les sirènes retentissent pour honorer cette insurrection", a confié à l'AFP une participante à la cérémonie, Zofia Wislicka, une sociologue de 28 ans.
Jusqu'à présent, les sirènes marquaient traditionnellement les cérémonies de l'Insurrection de Varsovie du 1er août 1944, lancée par la résistance polonaise contre les nazis et qui a coûté la vie à quelque dizaines de milliers d'insurgés et à 200.000 habitants civils de Varsovie.
Vendredi soir, deux jets de lumière, partis du musée d'Histoire des juifs de Pologne et du musée de l'Insurrection de Varsovie, doivent se rejoindre symboliquement dans le ciel.

vendredi 12 avril 2013


Procès des criminels de guerre nazis: "C'est une course contre la montre"


Thomas Walther est ce magistrat qui a permis à l'Allemagne de juger le criminel de guerre John Demjanjuk. L'Express a recueilli ses réactions à l'ouverture de nouvelles enquêtes visant 50 anciens gardiens du camp d'Auschwitz-Birkenau. 

Procès des criminels de guerre nazis: "C'est une course contre la montre"
Thomas Walther, pendant le procès Demjanjuk: "La 'découverte', en 2013, de cette cinquantaine d'anciens SS ne fait que souligner les invraisemblables erreurs et lacunes de la justice allemande par le passé."
REUTERS/Michaela Rehle
Le Centre national d'enquête de Ludwigsburg, créé en 1958 pour traquer les criminels de guerre nazis, vient d'annoncer qu'il examinait le passé de 50 hommes, âgés de 85 à 90 ans, ayant tous servi dans les rangs des gardiens du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Les premiers dossiers pourraient être soumis à la justice allemande dans quelques mois. 
L'Express a recueilli les réactions de Thomas Walther, l'ex juge qui a permis à la justice allemande de condamner John Demjanjuk, ancienne sentinelle du camp de Sobibor (Pologne), pour complicité d'assassinat en 2011. 
Que vous inspire l'ouverture de ces enquêtes?
J'éprouve des sentiments mitigés. Près de sept décennies après les horreurs de l'Holocauste, voilà que surgissent, bien vivants, d'anciens gardiens de Birkenau. A mes yeux, la "découverte", en 2013, de cette cinquantaine d'anciens SS ne fait que souligner les invraisemblables erreurs et lacunes de la justice allemande par le passé. Par ailleurs, la liste recensant les ex-sentinelles d'Auschwitz-Birkenau n'est pas vraiment nouvelle. Elle est tirée de la "liste de Francfort", dressée à l'issue des procès des anciens SS d'Auschwitz qui se sont déroulés dans cette ville, dans les années 1960. Les 50 gardiens dont il est question aujourd'hui sont les survivants de ce fichier sur lequel figuraient près de 4000 noms. Par ailleurs, toutes les enquêtes ouvertes ne déboucheront pas sur des poursuites pénales. Et tous les suspects ne survivront pas jusqu'à un éventuel procès. 
Pourquoi ne pas avoir ouvert ces enquêtes plus tôt?
Mi-2012, le Centre de Ludwigsburg a entrepris de concentrer ses efforts sur le personnel des camps d'extermination. La décision aurait pu être prise plus tôt... Il est vrai qu'avec 7 enquêteurs, ses moyens sont limités. Mais rien n'interdisait aux ministres régionaux de la Justice, qui assurent la tutelle de Ludwigsburg, de renforcer les effectifs afin que le Centre soit en mesure de mener sa tâche à bien, dans les délais les plus courts. Question de volonté politique... Une partie de notre société refuse encore de faire le procès du passé. 
Quand pourraient avoir lieu les premiers procès?
Il faut compter entre un et trois ans, en fonction des moyens humains mis en oeuvre par les services régionaux de police judiciaire et par les différents parquets compétents. C'est une course contre le temps qui est engagée. Pourtant, même si aucun procès n'a lieu, même si aucune condamnation n'est prononcée, il n'est pas trop tard pour envoyer le message suivant, de la plus haute importance politique et juridique: la justice allemande a reconnu les erreurs du passé et les a corrigées. Que les futurs bourreaux et leurs assistants se le tiennent pour dit: ils pourront être condamnés pour complicité d'assassinat, même sans preuve d'une participation directe au crime.