lundi 27 janvier 2014

Peillon veut améliorer l'enseignement de la Shoah


Le gouvernement a promis lundi de mieux accompagner les enseignants souvent "désarmés" lorsqu'il s'agit d'aborder la Shoah, face aux stéréotypes, une certaine incompréhension des élèves, voire des tensions ravivées par l'affaire Dieudonné.
"Je veux que les enseignants, dont certains se sentent démunis face à ces questions, aient les moyens de transmettre les valeurs fondamentales de l'école de la République", a déclaré le ministre de l'Education à l'occasion de la Journée internationale de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l'humanité.
Vincent Peillon s'est engagé à renforcer la formation et les "ressources pédagogiques" pour dissiper ce malaise.
"Face aux propos de certains élèves qui, sans être extrêmement violents, sont pour le moins réticents ou volontairement désinvoltes dès que le mot Shoah est prononcé en cours, je me suis rendue compte que j'étais désarmée, en manque de formation pour pouvoir répondre à ces remarques embarrassantes", dit Patricia Drahi, professeur de français dans les Yvelines et doctorante en sciences de l'éducation à l'Université de Nanterre.
Selon Sophie Ernst, professeur de philosophie et auteur du livre "Quand les mémoires déstabilisent l'école - Mémoire de la Shoah et enseignement" (2008), la difficulté se situe dans la méthode. "On a pensé qu'en passant les jeunes à la moulinette des images de camps d'extermination, on allait les vacciner contre le racisme et l'antisémitisme: c'est un échec", estime-t-elle, "ça ne pouvait pas marcher, on se rend compte maintenant que ce projet était d'une naïveté partagée".
Résultat, estime Patricia Drahi dans un article publié en 2012: un "phénomène de saturation" chez certains élèves. Un constat confirmé par Camille, élève dans un lycée huppé de Paris. "La Shoah, ça nous saoule! On en a ras-le-bol, on en peut plus", lance la lycéenne.
En France, l'enseignement de la Shoah est obligatoire en troisième puis en première ou terminale depuis la fin des années 1980. Depuis 1982, il peut être dispensé dès l'école primaire, généralement au CM2.
Casser les stéréotypes
Mais selon un sondage CSA de 2012, 60% des étudiants de 18 à 24 ans n'ont jamais entendu parler du Vel' d'Hiv', théâtre en juillet 1942 de la plus grande rafle de juifs en France.
D'après une autre étude CSA publiée en janvier, les personnes opposées à l'interdiction du spectacle de Dieudonné étaient majoritairement les jeunes de 18 à 24 ans (53%). La polémique autour de l'humoriste controversé, condamné pour antisémitisme, a fait apparaître des tensions dans un "nombre marginal" d'établissements de centre-ville et de zones sensibles, a reconnu Vincent Peillon.
Auteurs dans leur lycée de l'Essonne d'une "quenelle", ce geste de ralliement à Dieudonné perçu par certains comme un salut nazi inversé, deux élèves ont été brièvement placés en garde à vue début janvier puis exclus de l'établissement.
"Faut-il parler de l?affaire Dieudonné en classe? Oui, car c'est notre devoir d'éclairer les élèves (...) Mais comment s?y prendre?", s'est interrogé Emmanuel Grange, professeur d'histoire dans la Loire, sur son blog. Cet enseignant a fabriqué un cours mêlant vidéos et images interactives, "du cousu-main".
De son côté, Guillaume Delmas, prof d'histoire-géo en zone d'éducation prioritaire à Paris, assure qu'il n'y a "pas d'antisémitisme rampant chez les élèves, mais certains arrivent avec des représentations stéréotypées" sur le "sujet sensible" de la Shoah. "Avant d'aborder les faits historiques, je commence toujours mon cours en demandant aux élèves ce que signifie pour eux le mot "juif", pour casser ces représentations", explique-t-il.
En visite à l'école de Beauvallon à Dieulefit, village des Justes dans la Drôme, Vincent Peillon a insisté sur le rôle de la pédagogie.
"Je veux qu'on montre aux enfants qu'il y a eu en France des femmes et des hommes exemplaires, des professeurs, qui par leur résistance à la haine ont sauvé des vies", a-t-il déclaré. "Le meilleur rempart contre tous les préjugés qui conduisent au racisme et à l'antisémitisme, c'est l'instruction", a-t-il ajouté dans ce village où plus d'un millier de personnes pourchassées par les Allemands, dont des enfants juifs, trouvèrent refuge sous l'occupation.

Un professeur d'histoire dérobe des objets à Auschwitz



Jeudi dernier, un événement singulier s'est produit à l'aéroport polonais de Cracovie. Un professeur d'histoire de la région lyonnaise s'est fait arrêter par la douane avec, dans sa poche, une douille et des ciseaux provenant du camp d'Auschwitz-Birkenau. Dans le cadre d'un voyage éducatif sur la «mémoire», l'homme s'était rendu dans le camp de la mort avec ses élèves. D'après Jean-Christophe Bidet, inspecteur d'académie adjoint, le professeur aurait permis à l'un d'entre eux de ramasser les deux objets après qu'il les a découverts au sol. «Comme ils étaient poussiéreux, l'enseignant dit les avoir mis dans un mouchoir en papier, puis dans sa poche», a-t-il déclaré au journal Le Progrès.
Un acte dont l'homme ne s'est pas caché puisqu'après son arrestation, il a très vite révélé la provenance de ces vestiges. En «l'absence d'intention malveillante», les autorités polonaises ont décidé de le laisser prendre son vol pour la France avec les collégiens lyonnais. L'avion a décollé avec une heure de retard. Autant dire que l'enseignant s'en est bien tiré. «Selon la loi polonaise, le camp est un espace protégé et il est illégal de s'emparer de quelque objet que ce soit sur le site», selon Urszula Podraza, porte-parole de l'aéroport de Cracovie. Si un objet protégé est volé, le coupable encourt jusqu'à dix ans de prison.

Des faits déplorables

Pour le porte-parole de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et cofinanceur du voyage: «La première chose [qu'aurait dû faire l'enseignant], c'était de remettre les objets au guide pour que ceux-ci soient analysés pour leur éventuelle conservation». «Si les faits sont avérés, ils sont déplorables, s'agissant plus particulièrement d'un professeur, accompagnateur adulte. Il ne viendrait jamais à l'idée de qui que ce soit de voler un objet dans un cimetière.» Le professeur a tenu à présenter ses excuses à la présidente du conseil général du Rhône, Danielle Chuzeville.