jeudi 31 octobre 2013

L'ancien chef de la Gestapo enterré dans un cimetière... juif


L'ancien chef de la Gestapo, Heinrich Müller, l'un des principaux responsables de la Shoah, a été enterré dans un cimetière juif de Berlin en 1945, affirme le quotidien allemand Bild jeudi, en citant des documents retrouvés par un historien. Müller, qui a disparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale sans qu'on retrouve jamais sa trace, a en fait été enterré dans la fosse commune d'un cimetière juif de Berlin, affirme le dirigeant du Mémorial de la résistance allemande, le professeur Johannes Tuchel, dans Bild.
"Müller n'a pas survécu à la fin de la guerre. Son corps a été enterré en 1945 dans une fosse commune du cimetière juif de Berlin-Mitte", a-t-il assuré au quotidien à grand tirage en s'appuyant sur des documents d'archives. Cette révélation, 68 ans après la fin du régime nazi d'Adolf Hitler, répondrait à l'une des grandes énigmes de l'après-guerre. Les services secrets allemands, le BND, assuraient ainsi que durant l'été 1949, Müller se trouvait à Karlovy Vary, alors en Tchécoslovaquie, selon un document obtenu par Bild.

"Énormité de mauvais goût"

"Les services secrets se trompaient totalement. Dès août 1945, le corps de Müller a été retrouvé dans une tombe provisoire près de l'ancien ministère de l'Aviation du Reich par un commando", selon M. Tuchel. Il portait "un uniforme de général. Dans la poche intérieure gauche se trouvait notamment ses états de service avec une photo", poursuit-il. Bild publie également un document de la mairie d'arrondissement du quartier de Mitte à Berlin indiquant qu'il a été enterré dans le cimetière juif du quartier.
Le président du Conseil central des juifs d'Allemagne, Dieter Graumann, s'est déclaré choqué par cette révélation. "Que l'un des sadiques nazis les plus brutaux soit enterré dans un cimetière juif, c'est une énormité de mauvais goût. On foule grossièrement au pied la mémoire des victimes", s'est-il insurgé dans le journal. Heinrich Müller fait partie des personnalités importantes du Troisième Reich qui n'ont jamais été capturées. Il participa à la conférence de Wannsee en janvier 1942, qui décida de la "solution finale" et eut notamment sous ses ordres Adolf Eichmann, responsable de la "logistique" de l'extermination des Juifs, condamné à mort et exécuté en Israël en 1962.

mercredi 26 juin 2013

A Berck-sur-Mer, Mein Kampf se vend comme des petits pains




Mein Kampf (Mon Combat), le livre d'Adolf Hitler rédigé entre 1923 et 1924, base idéologique qui mena le IIIe Reich à la Solution finale, est en vente dans une librairie de Berck-sur-Mer ayant "pignon sur rue"... et se vend très bien, révèle La semaine dans le Boulonnais. Pour les membres du PCF-Front de gauche de la commune, qui publient un communiqué dans lequel ils crient leur révolte et leur indignation, "L'heure est grave".  

"C'est aux lecteurs de se faire leur propre opinion"

"En ce début de 21ème siècle où l'Histoire devrait rappeler à certains les erreurs du siècle passé, rien n'y fait, la diffusion des idées nauséabondes refait son apparition à Berck", explique le communiqué. Une indignation reprise par la section locale de la Ligue des droits de l'Homme, qui estime que Mein Kampf n'est pas "n'importe quel livre" mais "un livre de propagande, la pire qui soit", celle de l'idéologie Nazie
Au centre des critiques, la librairie La Maison de Presse berckoise et son responsable, Jean-Louis Cazier. Interrogé par France 3 et Le Figaro, le commerçant se défend: "Je n'ai pas à me prononcer quant au contenu et aux idées qui apparaissent dans toutes les publications que je vends. A titre personnel, je ne partage pas du tout ces idées-là, mais je suis un démocrate, à chaque citoyen de faire la part des choses", explique-t-il, après avoir précisé que ce sont ses clients qui lui ont commandé ce livre-là. "C'est aux lecteurs, par leur éducation et leur esprit critique de se faire leur propre opinion", ajoute-t-il encore. 

La vente de Mein Kampf, légale ou pas ?

Scandaleuse peut-être, mais pas illicite. La vente de Mein Kampf est en effet autorisée en France depuis une décision de la Cour d'appel de Paris, en 1979. Depuis, l'ouvrage, vendu par les Nouvelles éditions latines (la maison d'édition qui a acheté les droits en 1934, "proche de la droite nationaliste française et condamnées pour collaboration à la Libération"), a été classé dans la catégorie "ouvrage historique". L'ouvrage doit tout de même se soumettre à certaines conditions. D'abord, il doit être vendu dans sa version originale en français et ne peut donc pas être réédité. Ensuite, Mein Kampf doit être accompagné d'un texte de huit pages en tête d'ouvrage mettant en garde le lecteur sur le caractère haineux et raciste des propos tenus et rappelant les crimes du régime hitlérien. Des conditions qui sont remplies par l'établissement berckois, rapporte France 3
Reste que le débat sur la commercialisation du livre d'Adolf Hitler reste largement ouvert. Certains arguent que Mein Kampf fait l'apologie du meurtre (de masse) et que l'ouvrage ne peut donc pas se cacher derrière le principe de liberté d'expression, d'autres en appellent au devoir de mémoire à la nécessité d'étudier et de comprendre, de ne pas oublier l'Histoire, pour ne pas la revivre. 
Le PCF-Front de gauche a de son côté expliqué qu'il avait alerté "les élus locaux de la République, de droite comme de gauche, afin de connaître leur réaction et les actions qu'ils envisagent d'entreprendre". Un nouveau débat qui ne sera sûrement pas le dernier, puisque Mein Kampf tombera dans le domaine public le 1er janvier 2016. Là encore, les questions sur l'encadrement et le contrôle de sa diffusion, notamment sur Internet, ne manqueront pas. 

jeudi 13 juin 2013

Les carnets d'un criminel de guerre nazi retrouvé aux Etats-Unis



                                        


Les carnets d'Alfred Rosenberg, criminel de guerre nazi et confident d'Hitler, ont refait surface aux Etats-Unis, couvrant l'essentiel de l'ère hitlèrienne jusqu'à la "Solution finale", méthode programmée de l'extermination des juifs.

Le journal personnel de ce cerveau de l'antisémitisme avait disparu après son jugement au procès de Nuremberg et son exécution en 1946.
Ce trésor pour les historiens a été présenté lors d'une conférence de presse jeudi à Wilmington, dans le Delaware (est), lieu qui fut le point de départ de l'enquête conduisant à sa découverte.
En novembre dernier, les autorités de cet Etat ont reçu une information de la part d'un expert en arts travaillant avec le Musée de l'Holocauste à Washington.
"Le journal de Rosenberg a ensuite pu être localisé et saisi grâce à un mandat du tribunal du district du Delaware", ont déclaré les services américains des douanes et de l'immigration (ICE), dans les locaux desquels était exposé le journal de 400 pages, dont des notes écrites à la main entre 1934 et 1944.
"Posséder des textes qui documentent les actes à la fois des criminels et des victimes est crucial pour aider les chercheurs à comprendre pourquoi et comment l'Holocauste s'est produit", a souligné Sara Bloomfield, directrice du Musée de l'Holocauste, qui renferme parmi l'une des plus grandes collections d'archives sur cette période.
Les carnets de Rosenberg, l'un des hauts dignitaires nazis condamnés pour crime contre l'humanité à Nuremberg, s'étaient volatilisés après ce procès historique.
Selon l'ICE, chargé de l'enquête, ils avaient été récupérés "à l'encontre de la loi" par Robert Kempner, un avocat allemand et juif mandaté, parmi d'autres, pour poursuivre en justice les criminels à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Kempner, qui s'était enfui pour les Etats-Unis pendant la guerre, les a gardés en sa possession jusqu'à sa mort en 1993.
Théoricien de la "race" germanique
Ils ont finalement été retrouvés près de Buffalo, dans le nord-ouest de l'Etat de New York, chez un "ancien universitaire" qui les aurait obtenus grâce à un assistant de Kempner, a expliqué Henry Mayer, du Musée de l'Holocauste.
Le directeur de l'ICE a refusé de dire si des charges seraient retenues contre quiconque impliqué dans l'affaire, l'enquête étant toujours "en cours".
A terme, une fois la propriété décrétée celle du gouvernement américain, le journal -- sur lequel peu de détails ont été divulgués -- doit être remis au musée où il sera à la disposition des historiens.
Il devrait offrir un nouvel aperçu des rencontres et discussions entre son protagoniste et d'autres responsables du régime nazi, notamment Hermann Göring, commandant de l'armée de l'air allemande, et Heinrich Himmler, théoricien de la Solution finale, responsable de l'exécution d'environ six millions de personnes.
Cette découverte montre, selon Sara Bloomfield, "combien de choses restent encore à être collectées". Les carnets d'Alfred Rosenberg pourraient même, selon le Musée de l'Holocauste, "contredire" certaines vérités jusque-là établies.
Rosenberg est né, comme Göring, le 12 janvier 1893, et a été pendu le 16 octobre 1946 (Göring lui s'est suicidé la veille). Le premier, auteur du "Mythe du vingtième siècle" et théoricien de la supériorité de la "race" germanique, aurait introduit le second à ces théories, en l'invitant notamment à un discours d'Hitler au début des années 1920.
Rosenberg dirigeait le département des affaires étrangères du IIIe Reich et supervisait aussi le journal du parti nazi.
Dans ses carnets, d'après l'analyse préliminaire qui en a été faite par le musée, Rosenberg, natif de ce qui est aujourd'hui l'Estonie, évoque aussi l'occupation allemande de l'Union soviétique ainsi que le pillage des oeuvres d'art juives et la destruction des oeuvres considérées comme "dégénérées", dont il était chargé.

mardi 11 juin 2013


       POLOGNE: UN TUNNEL DÉCOUVERT À SOBIBOR

Un tunnel a été découvert dans le camp de concentration Sobibor en Pologne où des fouilles archéologiques sont actuellement en cours,rapporte le quotidien israélien Haaretz. C'est l'archéologue israélien Yoram Haimi, qui travaille pour l'Autorité des antiquités d'Israël et dont deux parents ont été tués à Sobibor, qui a fait la découverte.
Le tunnel –d'une profondeur d'1,6 mètres et d'une largeur d'un mètre– partait d'une caserne située à l'extérieur de la clôture du camp. Il aurait pu être creusé par les prisonniers du Commando spécial en charge de brûler les cadavres des Juifs assassinés. Yoram Haimi explique: 

«Ils ont commencé à creuser depuis le centre de la cabane que nous avons découverte. Ils ont soulevé les planches en bois et creusé, peut-être la nuit. Ensuite ils ont éparpillé la terre qu'ils avaient déterrée.»
The Telegraph signale que les experts pensent que le tunnel a probablement été découvert, conduisant à l'exécution de tous ceux qui avaient potentiellement été impliqués. Selon le journal:
«La longueur du tunnel donne une indication sur l'igéniosité de ces prisonniers qui voulaient à tout prix s'évader de ce camp.»
Le trou aurait ensuite été rebouché par les Allemands d'après le Telegraph. Le journal Haaretz se contente de dire que la présence de sable laisse penser qu'il se serait effondré.
 
Il n'y a pas de preuve d'évasion réussie par ce tunnel, indique le Huffington Post. Cependant une révolte des prisonniers le 14 octobre 1943 avait conduit à l'assissnat d'une douzaine de gardes. Près de trois cents prisonniers avaient passé la cloture mais un tiers d'entre eux furent capturés. Plus de la moitité du reste n'a pas survécu à la guerre, écrit The Telegraph:
«Peu de gens ont survécu à Sobibor. Peu après le soulèvement, Himmler a ordonné que le camp soit rasé et que des arbres soient plantés pour effacer toute trace de l'installation.»
Cette découverte éclaire le sort du camp de Sobibor dont on sait aujourd'hui peu de choses comparé à d'autres camps d'extermination allemands. Environ 250.000 juifs –principalement polonais, néerlandais et slovaques– ont été tués dans ce camp entre 1942 et 1943.

lundi 6 mai 2013

Nazisme: Un ancien gardien d'Auschwitz arrêté en Allemagne


 

Un nonagénaire accusé de complicité de meurtres lorsqu'il était gardien au camp de concentration d’Auschwitz entre 1941 et 1945, a été arrêté dans le sud-ouest de l’Allemagne, a annoncé lundi le parquet de Stuttgart.
«Les forces de la police criminelle du Bade-Würtemberg, sur mandat du Parquet de Stuttgart, ont interpellé à son domicile un ancien employé, âgé de 93 ans, du camp de concentration d’Auschwitz qui faisait partie du service des gardiens, de l'automne 1941 à sa fermeture en 1945, et est soupçonné de complicité de meurtres», écrit le ministère public dans un communiqué.
Un médecin l'a examiné lundi et, en dépit de son âge avancé, l'a jugé capable de supporter un emprisonnement, a précisé à l'AFP une porte-parole du Parquet.
Aucune information n'a été donnée sur son identité, mais, selon les médias allemands, il s'agit d'un homme nommé Hans Lipschis, né en Lituanie, et qui habite à Aalen, dans le sud-ouest de l'Allemagne.
«Il a travaillé au sein du service des gardiens, même s'il n'était pas gardien à part entière», a expliqué la porte-parole du Parquet, ajoutant: «son activité principale n'était pas (celle de) gardien».
«Nous allons chercher à établir ce qu'il a fait concrètement et pendant combien de temps, à Auschwitz, a-t-elle affirmé.
Serge Klarsfeld partagé
La condamnation en Allemagne en mai 2011 de John Demjanjuk, un apatride d'origine ukrainienne, à cinq ans de prison pour participation à des meurtres de Juifs lorsqu'il avait été gardien dans un camp de concentration, a donné le coup d'envoi à des mises en accusation fondées sur des éléments uniquement circonstanciels, sans preuves d'acte criminel. Le tribunal avait conclu qu'il avait bien été gardien, et qu'il était donc complice des meurtres commis pendant qu'il avait été présent dans le camp, bien qu'il n'y ait ni documents ni témoins.
Commentant pour l'AFP cette arrestation, le chasseur de nazis français Serge Klarsfeld, vice-président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, s'est dit «partagé entre (s)a conception de la justice et la nécessité de poursuivre les criminels de guerre jusqu'à leur dernier souffle». «Il faut des preuves et des documents pour les incriminer et j'estime qu'il n'y aura sans doute plus de témoins pour les accuser», a-t-il commenté.
Il a rappelé que des gardiens d’Auschwitz avaient été acquittés après la guerre. «La justice allemande, a-t-il ajouté, aurait pu juger après la guerre des cadres supérieurs des camps d'extermination, mais elle ne l'a pas fait.»
Dans son rapport 2013, le Centre Simon Wiesenthal, qui traque les derniers anciens nazis encore en vie, plaçait Hans Lipschis en 4e position sur sa liste des criminels les plus recherchés. Le centre affirme qu'il a servi dans un bataillon de SS entre 1941 et 1945, et qu'il «a pris part à des massacres et à la persécution de civils innocents, principalement des Juifs».
Lui affirme y avoir travaillé comme cuisinier
D'après une récente enquête de la chaîne de radio-télévision publique régionale SWR, Hans Lipschis prétend avoir travaillé en tant que cuisinier, et non en tant que gardien, dans ce camp mis en place par les nazis en Pologne occupée.
Selon le journal Die Welt, il avait été naturalisé par le régime nazi, puis s'était installé aux Etats-Unis en 1956 et avait vécu à Chicago jusqu'à son expulsion vers l'Allemagne en 1983.
L'Office de Ludwigsburg qui gère les dossiers du nazisme, avait indiqué début avril vouloir entamer une procédure contre 50 anciens gardiens d’Auschwitz, vivant dans toute l'Allemagne et âgés d'environ 90 ans.
De 1940 à 1945, environ 1,1 million d'hommes, de femmes et d'enfants, en majorité des Juifs de divers pays d'Europe occupés par les Allemands, périrent à Auschwitz-Birkenau, le plus grand camp nazi de concentration et d'extermination.
Près de 85.000 Polonais non juifs, 20.000 Tziganes, 15.000 Soviétiques et 12.000 autres personnes y ont également trouvé la mort.

lundi 22 avril 2013


La Pologne célèbre le 70e anniversaire de l'insurrection du ghetto de Varsovie

Annoncée par des sirènes et les cloches des églises, une cérémonie du souvenir a eu lieu vendredi devant le mémorial aux héros du ghetto de Varsovie, 70 ans après qu'une poignée de combattants juifs attaquèrent les nazis pour mourir l'arme à la main plutôt que dans un camp d'extermination.
Un millier de personnes se sont réunies pour cette cérémonie, à laquelle participaient le chef de l'État polonais Bronislaw Komorowski, le président du Parlement européen Martin Schulz, le ministre israélien de l'Éducation Shai Piron et des survivants de l'Holocauste.
"Aucune capitale en Europe n'a été détruite au même point que Varsovie, transformée en amas de ruines, car aucune n'a lutté trois fois contre l'envahisseur, en 1939, en 1943 et en 1944", a rappelé M. Komorowski.
"Les Polonais et les juifs ont payé un lourd tribut, mais le drame des juifs est particulièrement effrayant au vu de l'étendue des atrocités", a-t-il souligné.
Lors de la cérémonie, M. Komorowski a décoré d'une haute distinction polonaise l'un des derniers combattants de l'insurrection, Simcha Rotem, appelé Kazik, 89 ans.
"Vous avez aussi lutté pour une Pologne indépendante. Je vous remercie au nom de la Pologne et des Polonais", a-t-il déclaré.
Simcha Rotem, âgé de 19 ans à l'époque, avait réussi à évacuer par des égouts une poignée d'insurgés. Il est arrivé mercredi d'Israël où il vit, pour participer aux cérémonies dans sa ville natale.
"Nous ne pensions en aucun cas que nous allions vaincre les Allemands. C'était clair", a-t-il raconté à l'AFP après son arrivée.
Au Bundestag allemand une minute de silence a été observée vendredi à la mémoire des insurgés de Varsovie.
"Nous nous souvenons avec une grande humilité de la souffrance, du sens du sacrifice et de l'aspiration à la liberté des gens du ghetto de Varsovie", a déclaré à Berlin le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle.
"Nous rendons hommage aux femmes et aux hommes courageux qui se sont soulevés il y a 70 ans à Varsovie contre leurs oppresseurs", a-t-il dit.
Les participants à la cérémonie de Varsovie ont ensuite visité un nouveau musée d'Histoire des Juifs de Pologne, qui doit témoigner d'une coexistence millénaire complexe entre juifs et Polonais.
Un cortège de quelques centaines de personnes est passé devant le mémorial d'Umschlagplatz, lieu de départ de trains vers les chambres à gaz du camp de Treblinka où les Allemands nazis ont envoyé plus de 300.000 juifs de Varsovie.
Dans toute la capitale, des volontaires distribuaient des jonquilles en papier que les gens accrochaient à leur vestes et manteaux, en souvenir de Marek Edelman, le dernier commandant du soulèvement juif, décédé en 2009, qui avait l'habitude de marquer chaque anniversaire de l'insurrection en déposant en solitaire un bouquet de ces fleurs jaunes au pied du mémorial.
"Nous voulons rappeler aux Varsoviens qu'il y avait deux insurrections. Que l'insurrection au ghetto était également une lutte pour la liberté, même si certains disent que c'était une lutte pour mourir dignement", a déclaré à l'AFP une bénévole, Waleria Platek, 21 ans.
C'est la première fois que les cloches des églises ont carillonné à l'occasion d'un anniversaire de l'insurrection du ghetto, dont il ne reste que de rares vestiges.
Lors des messes de vendredi à dimanche, une prière devait être récitée dans les églises de la capitale en mémoire des héros de l'insurrection, sur décision de l'archevêque de Varsovie, Mgr Kazimierz Nycz.
"C'est une décision et un geste très importants de la part de l'Eglise", a déclaré à l'AFP Piotr Kadlcik, président de la communauté juive de Pologne. "Après les cérémonies, je vais adresser une lettre de remerciement à l'archevêque Nycz", a-t-il ajouté.
"Je viens ici depuis des années et je suis touchée que pour la première fois les sirènes retentissent pour honorer cette insurrection", a confié à l'AFP une participante à la cérémonie, Zofia Wislicka, une sociologue de 28 ans.
Jusqu'à présent, les sirènes marquaient traditionnellement les cérémonies de l'Insurrection de Varsovie du 1er août 1944, lancée par la résistance polonaise contre les nazis et qui a coûté la vie à quelque dizaines de milliers d'insurgés et à 200.000 habitants civils de Varsovie.
Vendredi soir, deux jets de lumière, partis du musée d'Histoire des juifs de Pologne et du musée de l'Insurrection de Varsovie, doivent se rejoindre symboliquement dans le ciel.

vendredi 12 avril 2013


Procès des criminels de guerre nazis: "C'est une course contre la montre"


Thomas Walther est ce magistrat qui a permis à l'Allemagne de juger le criminel de guerre John Demjanjuk. L'Express a recueilli ses réactions à l'ouverture de nouvelles enquêtes visant 50 anciens gardiens du camp d'Auschwitz-Birkenau. 

Procès des criminels de guerre nazis: "C'est une course contre la montre"
Thomas Walther, pendant le procès Demjanjuk: "La 'découverte', en 2013, de cette cinquantaine d'anciens SS ne fait que souligner les invraisemblables erreurs et lacunes de la justice allemande par le passé."
REUTERS/Michaela Rehle
Le Centre national d'enquête de Ludwigsburg, créé en 1958 pour traquer les criminels de guerre nazis, vient d'annoncer qu'il examinait le passé de 50 hommes, âgés de 85 à 90 ans, ayant tous servi dans les rangs des gardiens du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Les premiers dossiers pourraient être soumis à la justice allemande dans quelques mois. 
L'Express a recueilli les réactions de Thomas Walther, l'ex juge qui a permis à la justice allemande de condamner John Demjanjuk, ancienne sentinelle du camp de Sobibor (Pologne), pour complicité d'assassinat en 2011. 
Que vous inspire l'ouverture de ces enquêtes?
J'éprouve des sentiments mitigés. Près de sept décennies après les horreurs de l'Holocauste, voilà que surgissent, bien vivants, d'anciens gardiens de Birkenau. A mes yeux, la "découverte", en 2013, de cette cinquantaine d'anciens SS ne fait que souligner les invraisemblables erreurs et lacunes de la justice allemande par le passé. Par ailleurs, la liste recensant les ex-sentinelles d'Auschwitz-Birkenau n'est pas vraiment nouvelle. Elle est tirée de la "liste de Francfort", dressée à l'issue des procès des anciens SS d'Auschwitz qui se sont déroulés dans cette ville, dans les années 1960. Les 50 gardiens dont il est question aujourd'hui sont les survivants de ce fichier sur lequel figuraient près de 4000 noms. Par ailleurs, toutes les enquêtes ouvertes ne déboucheront pas sur des poursuites pénales. Et tous les suspects ne survivront pas jusqu'à un éventuel procès. 
Pourquoi ne pas avoir ouvert ces enquêtes plus tôt?
Mi-2012, le Centre de Ludwigsburg a entrepris de concentrer ses efforts sur le personnel des camps d'extermination. La décision aurait pu être prise plus tôt... Il est vrai qu'avec 7 enquêteurs, ses moyens sont limités. Mais rien n'interdisait aux ministres régionaux de la Justice, qui assurent la tutelle de Ludwigsburg, de renforcer les effectifs afin que le Centre soit en mesure de mener sa tâche à bien, dans les délais les plus courts. Question de volonté politique... Une partie de notre société refuse encore de faire le procès du passé. 
Quand pourraient avoir lieu les premiers procès?
Il faut compter entre un et trois ans, en fonction des moyens humains mis en oeuvre par les services régionaux de police judiciaire et par les différents parquets compétents. C'est une course contre le temps qui est engagée. Pourtant, même si aucun procès n'a lieu, même si aucune condamnation n'est prononcée, il n'est pas trop tard pour envoyer le message suivant, de la plus haute importance politique et juridique: la justice allemande a reconnu les erreurs du passé et les a corrigées. Que les futurs bourreaux et leurs assistants se le tiennent pour dit: ils pourront être condamnés pour complicité d'assassinat, même sans preuve d'une participation directe au crime. 

mercredi 6 février 2013

C'est en hiver qu'il faut venir....




La neige couvre massivement Cracovie ce matin; la ville déjà superbe en temps habituel ressemble à une station de sports d'hiver au lourd manteau blanc où la brume ferait obstacle à une descente dans la poudreuse. Hier matin, sur la même route il n'y avait pas une trace de blanc. Il a suffi que la neige tombe ce matin entre 5 et 7h pour transformer le paysage, changer de saison et changer de monde. Ce ne sont pas des vacances. J'accompagnais hier le groupe de 25 évêques français et trois évêques espagnols qui, sous la direction du cardinal André Vingt Trois, venait à Auschwitz  Birkenau pour apprendre et essayer de comprendre. 


« C'est en hiver qu'il faut venir, pas pour comprendre, car comment comprendre la survie dans de telles conditions, mais pour se stupéfier de ce qu'ont vécu ceux qui ne sont pas entrés directement dans les chambres à gaz »

Travail indispensable, mais  expliquer Auschwitz est très difficile; les moindres approximations et  confusions  alimentent des ignorances dont on croit trop qu'elles ont disparu quand on est soi-même très impliqué et qu'on pense naïvement que chacun l'est également dans une société où le travail de mémoire s'est tellement développé ces dernières années.

Il faisait beau hier pendant la visite. Mais en retournant vers l'aéroport,  je pense à ces hommes et ces femmes qui  ont dû vivre dans la même neige, la même brume, parfois avec des températures descendant à -30°C. Comment ont-ils fait dans leurs baraques à peine chauffées, à peine vêtus, avec le travail harassant, les appels interminables debout sans bouger, les rations de famine?

Parfois au printemps Auschwitz et même Birkenau ont un air champêtre. C'est en hiver qu'il faut venir, pas pour comprendre, car comment comprendre la survie dans de telles conditions, mais pour se stupéfier de ce qu'ont vécu ceux qui ne sont pas entrés directement dans les chambres à gaz et dont la durée de survie moyenne dans le camp ne dépassait pas trois mois.

Richard Prasquier

mardi 5 février 2013

Des dizaines d'imams au mémorial de la Shoah à Drancy




Des dizaines d'imams se sont rendus ce lundi soir au Mémorial de la Shoah à Drancy (Seine-Saint-Denis) pour montrer que l'islam est une religion «d'amour» et de «tolérance», une «image forte» saluée par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls. «A un moment où il y a une montée du racisme et de la peur de l'islam, on dit  "non, il est possible de vivre ensemble"», a déclaré à l'AFP l'imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, à l'initiative de l'événement.
74% des Français estiment que la religion musulmane n'est pas compatible avec les valeurs de la société française, selon un sondage Ipsos publié dans Le Monde en janvier. «Aujourd'hui, on montre qu'il y a un islam de France sans influence, sans ingérence et sans fanatisme», a-t-il ajouté. «On montre l'importance de la vie humaine pour l'islam, qui refuse l'intégrisme, les racismes et la barbarie.»

«Images très fortes»

Les imams en boubous ou djellabahs, venus de plusieurs villes de France, sont arrivés en autocar en fin de journée à l'ancien camp d'internement des Juifs d'où furent déportées près de 70.000 personnes entre 1941 et 1944.
Après le dépôt d'une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes, ils ont été brièvement reçus au mémorial de la Shoah inauguré en septembre, et «remerciés» de leur visite par son directeur Jacques Fredj. «Ce sont des images très fortes qui parlent mieux que les mots et les discours», a estimé Manuel Valls. «Le monde a besoin de paix et de concorde, de gens qui dialoguent et s'écoutent».
Pour le ministre, la présence des imams «montre que le dialogue, la tolérance et la connaissance des autres religions sont indispensables pour lutter contre l'antisémitisme et tous les fanatismes, ceux qui nient la Shoah comme ceux qui ont voulu détruire Tombouctou».

Parole publique

Les groupes islamistes chassés du nord du Mali par l'armée françaises ont détruit plusieurs mausolées de saints musulmans dans cette ville qui fut longtemps «la perle» du Sahel.
Des représentants des autres grands cultes - catholiques, protestants, coptes - étaient présents à la visite, suivie d'un dîner au Centre Culturel de Drancy, à l'occasion de l'Aïd-el-Mouled qui célèbre la naissance du prophète Mahomet.
Dix-sept des imams présents s'étaient déjà rendus en Israël à l'automne pour prier sur la tombe des enfants juifs tués à Toulouse devant leur école, il y a onze mois, par Mohamed Merah.
Sam Samba, imam dans le 19e, en était. Ce Malien, soufi, assure que sa «religion est pour la paix». Il reconnaît que sa démarche n'est pas totalement consensuelle dans la communauté. «Il y en a que cela embête, mais ça m'est égal», dit-il. «Je n'ai peur de rien.»

«Très courageux»

Les prises de positions de l'imam Chalghoumi, qui était d'accord avec l'interdiction de la burqa et a souvent milité pour l'amitié judéo-musulmane, lui ont valu des menaces sérieuses, si bien qu'il bénéficie en permanence d'une protection rapprochée. «C'est un engagement pour ces imams, ce n'est pas facile, ils vont se faire insulter sur le net», a prédit l'écrivain juif français Marek Halter, qui a participé à l'événement. «C'est très courageux de leur part.»
«Après quelques initiatives individuelles, on a l'impression qu'une partie de l'islam prend la parole publiquement et collectivement contre l'antisémitisme», a pour sa part noté le directeur du mémorial. «C'est un message interne pour dire à leurs ouailles "ce n'est pas l'islam" mais aussi externe pour montrer que la majorité des musulmans de France ne se rangent pas derrière les radicaux», a-t-il estimé

vendredi 1 février 2013

Un éminent conseiller de Morsi : la Shoah est une invention des États-Unis


Fathi Shihab-Eddim, un éminent conseiller du président égyptien, a prétendu que la Shoah avait été inventé de toutes pièces par les États-Unis.  «Les agences de renseignement des États-Unis, avec la collaboration de leurs partenaires, ont inventé l'histoire afin de noircir l'image de l'Allemagne et de justifier la guerre, et particulièrement les attaques à la bombe atomique», a déclaré Shihab-Eddim il y a deux jours, au cours de la Journée internationale de la Shoah.
« Évidemment, si une personne fait de telles affirmations ridicules, cela est préoccupant »

L'éminent conseiller, qui, entre autres, est responsable de la nomination de tous les rédacteurs en chef des journaux gouvernementaux, a poursuivi en disant que lors de la Seconde Guerre mondiale, six millions de juifs n'ont pas été assassinés, mais ont «émigré aux États-Unis» ; ainsi a reporté le site web américain de Fox News.

 «"Évidemment, si une personne fait de telles affirmations ridicules, cela est préoccupant», a déclaré Éphraïm Zuroff, le directeur de la délégation israélienne de l'Institut Shimon Wiesenthal pour la prévention de l'antisémitisme.  «La triste vérité est que ces points de vue sont relativement courants dans le monde arabe et sont le résultat de l'ignorance d'une part, et du négationnisme de la Shoah parrainé par les gouvernements d'autre part."

mercredi 30 janvier 2013

Commémoration de la Shoah : une problématique nouvelle ? |


Lundi 28 janvier 2013 a eu lieu à l’UNESCO, comme dans bien d’autres endroits du monde, une cérémonie en commémoration de la Journée internationale des victimes de la Shoah (International Holocaust Remembrance Day, nous gardons l’usage français de « Shoah » au lieu de « Holocauste »). Cette année, le thème mis en exergue était le sauvetage.

Richard Prasquier

« Il reste beaucoup de travail à faire pour les ouvriers de la mémoire »

Proposée par le Conseil de l’Europe en 2002, cette journée commémorative a été instituée par la résolution 607 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée le 21 novembre 2005, l’année du 60e anniversaire de la fin de la guerre, et donc de la fin du génocide (rappelons-nous que le terrible camp de travail de Mauthausen ne fut libéré que le 6 mai 1945).

Le 27 janvier 1945 fut la date de la libération du camp d’Auschwitz Birkenau par l’armée soviétique. « Libération » est  un terme partiellement impropre, car il ne restait alors dans le camp qu’un petit nombre de prisonniers, essentiellement des malades (Primo Levi était parmi eux) alors que les autres déportés mouraient alors en masse au cours des épouvantables Marches de la Mort.

Le Président bulgare, M. Plevneliev et le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon ont, entre autres, participé à l’émouvante cérémonie organisée à l’UNESCO. Serge Klarsfeld a décrit avec des mots simples et forts ses souvenirs personnels. À entendre les intervenants, on pouvait être sûr que le travail de mémoire sur la Shoah, laquelle, comme l’a dit la Directrice générale de l’UNESCO, Mme Bukova, interpelle dans son tréfonds l’humanité tout entière, a bien porté ses fruits.

Il y a des signes cependant pour penser que les obstacles à l’enseignement de la Shoah vont se multiplier, ou pour le moins que la problématique est en train de se modifier devant nos yeux.

1° Disparition des déportés, dont un nombre très réduit garde aujourd’hui les moyens de se déplacer à Auschwitz et de témoigner directement de ce qui s’y est passé (tout en sachant, comme l’a dit Primo Levi, qu’ils ne sont pas entrés eux-mêmes dans le « ventre de la Gorgone »).

Les derniers témoins seront ces dizaines de milliers d’orphelins, enfants cachés et traqués pour la plupart, dont beaucoup sont des militants admirables de la mémoire. L’empreinte est restée brûlante du drame qui a disloqué leur enfance, mais ils n’ont pas connu les lieux où l’assassinat fut une industrie.

2° Passage de génération: les enfants des victimes, comme ceux des coupables et des témoins prennent aujourd’hui leur retraite. Les petits-enfants, et bientôt la quatrième génération, ne poseront peut-être pas les questions angoissées qui ont taraudé leurs aînés, et où l’évocation du crime refoulait les fantasmes contre les Juifs.

3° Disparition de la référence temporelle et du balisage historique dans un monde de l’immédiat et du simultané où l’ancien ne fait sens que s’il se plaque à l’actuel. La culture du palimpseste est la porte ouverte aux manipulations, aux approximations et aux amalgames.

4° Dévalorisation des experts dans la démocratie du web où chacun peut choisir l’opinion qu’il préfère, comme on choisit n’importe quel bien de consommation.

5° Diffusion massive d’un antisémitisme délirant là où on n’avait pas l’habitude de le rencontrer, se propageant dans certains secteurs du monde musulman et salissant l’image de l’Islam. L’un de ses objectifs est de « tuer la Shoah », laquelle serait une arme inventée par Israël et les Juifs pour culpabiliser le monde en faisant oublier leurs propres méfaits. Rien d’étonnant à cela, ajoute-t-on, puisque l’ignominie des Juifs serait inscrite dans les Livres saints. La haine des Juifs n’est pas l’apanage d’un Mohamed Merah, de certains terroristes ou de prédicateurs salafistes marginaux. Elle a été exprimée par d’importants responsables des Frères musulmans. Elle se trouve en filigrane dans certains textes très officiels de l’administration palestinienne et nous avons vu, la semaine dernière, un organisme palestinien de défense des Droits de l’Homme très officiel minimiser la Shoah.

6° Fixation psychopathique envers Israël, dont témoignent en ces jours de commémoration les déclarations d’un obscur député anglais ou une caricature particulièrement abjecte du Sonday Times. Impossible de relever ici, tant elles sont nombreuses, les occurrences de la nazification d’Israël produites dans les médias par des individus qui vont ensuite jurer leurs grands dieux que nul ne peut les soupçonner, eux, d’être antisémites. Il n’importe pas qu’ils le soient ou non. Ils sont les fourriers du retour moderne du refoulé : « Les Juifs, c’est vrai qu’ils ont souffert. Ils savent d’ailleurs pleurer sur leurs malheurs. Mais pourquoi font-ils exactement la même chose, ou encore pire, aux Palestiniens ? ». Voilà le « nouvel » antisémitisme et l’appui qu’il prend sur la Shoah.

7° finalement, l’aspiration universaliste et ses ambiguïtés. Lorsque le président Obama en se réfère dans son communiqué  commémoratif aux six millions de victimes juives de l’Holocauste et aux millions de victimes innocentes de la guerre, il n’y a rien à lui reprocher du point de vue historique, ni du point de vue compassionnel, car une victime, quelle qu’elle soit, est une victime avec son poids de souffrance qu’il n’y a pas à soupeser ou à comparer. Mais lorsque collectivement la Shoah est rangée au rang des autres victimes de la guerre (autrement dit, celles des bombardements, etc.), le message de la Journée de commémoration de l’Holocauste est perdu. Et avec cette perte, c’est la terrible leçon pour l’humanité qui risque de disparaître dans un unanimisme égalisateur, rassurant et faussement humaniste.

Il reste beaucoup de travail à faire pour les ouvriers de la mémoire. Ce travail devra se renouveler en fonction de la nouvelle situation. Car la mémoire fait partie de l’avenir autant que du passé.

Richard Prasquier
Président du CRIF

Avoir le courage d’aider : le sauvetage pendant l’Holocauste » - Maison de l’UNESCO, Paris France


La Journée internationale dédie à la mémoire des victimes de la Shoah a été marquée à Paris, le 28 janvier 2013, par une manifestation entrant dans le cadre des Nations Unies, organisée à la Maison de l’UNESCO.
« Il y a un immense travail de mémoire qui a été entrepris depuis longtemps, mais une grande vigilance sera toujours requise »

M. Adama Dieng, secrétaire général adjoint des Nations-Unies, en charge de la prévention du génocide est intervenu, à cette occasion. Voici des extraits de son allocution.

« De l’enseignement de l’Holocauste à la prévention des  génocides : qu’avons-nous appris du passé ? »  Par M. Adama Dieng, Secrétaire général adjoint, Conseiller spécial pour la prévention du génocide

« Il y a 68 ans, des hommes porteurs d’une idéologie justifiant à leurs yeux que certains de leurs congénères ne soient considérés ni comme leurs égaux ni même dignes de vivre à leurs côtés, simplement du fait de leur race ou de leur religion, ont préconisé leur éradication de la terre. Cette opération de destruction était ambitieuse. Pour cela ils l’avaient baptisée « solution finale ». Ce fut un échec. Malgré l’extermination de 6 millions d’individus, le Peuple juif a survécu, et avec lui une Nation, ce « commun vouloir de vie commune » pour paraphraser Léopold Sédar Senghor. Mais le mal dont la « solution finale » était porteuse a bien frappé. Des millions de vies humaines ont été détruites et des survivants meurtris auront porté et portent encore, à jamais, les stigmates de cette horreur.

En novembre 2012, j’ai visité le mémorial de la Shoah à Paris. J’ai parcouru le mur des noms avec beaucoup d’émotion. Mais je l’ai quitté avec un sentiment d’insatisfaction, frustré de n’avoir pu lire tous les 76 000 noms de victimes du nazisme gravés dans la pierre. J’aurais bien aimé communier avec chacun de ces 11 000 enfants, enfants d’Auschwitz ou de Sobibor, qui ont été privés d’avenir au  mépris de leur innocence, et ce par d’autres humains, gagnés par la folie de l’extrémisme et du fanatisme. Ce mur reste néanmoins, l’un des symboles forts de la préservation de la mémoire, face au « temps assassin qui emporte avec lui le rire des enfants », comme disait Renaud dans « le mistral gagnant ».

68 ans, c’est à peine un clin d’œil dans le cycle d’évolution des sociétés. Cependant, cette durée, rapportée à l’échelle de vie individuelle n’est pas négligeable. 68 ans c’est le troisième âge. La mémoire traitresse et évanescente nous fait des infidélités, nous privant ainsi du récit viva voce de certains détails de l’horreur des camps, que ni les livres d’histoire, ni même les vidéos ne sauraient remplacer.

Il y a quelques années nous avons vu passer les derniers poilus, symboles vivants d’une détresse humaine antérieure. La dégénérescence physique inéluctable les avait déjà rendus inaudibles avant même qu’ils ne s’effacent. Ce moment arrivera aussi, dans deux décennies ou trois au plus, où nous serons privés de ce témoignage toujours poignant des victimes de l’holocauste. J’évoque cette échéance avec angoisse, parce qu’il faut conjurer la menace de l’oubli.

L’oubli ! Ce mot est très chargé et parfois ambivalent. Après avoir vécu l’horreur, ou simplement la douleur, l’oubli nous permet de sortir du traumatisme et de nous reconstruire. Cependant cette thérapie individuelle doit se conjuguer avec la nécessité absolue de maintenir vivace la mémoire de l’innommable ; mémoire sans laquelle les humains seraient voués à répéter les horreurs du passé.

Il y a un immense travail de mémoire qui a été entrepris depuis longtemps, mais une grande vigilance sera toujours requise. La documentation systématique en est un aspect important. Mais il faut aussi se garder d’entretenir une mémoire qui se refroidit, un souvenir désincarné. Ce danger nous guette à mesure que le temps passe. À ceci s’ajoute que nous vivons dans un monde où la frontière entre le virtuel et le réel s’efface. La filmographie de la Shoah, qui a joué un rôle essentiel dans la préservation de la mémoire, n’échappe pas elle-même à ce danger. Nous avons donc le devoir de nous assurer que les symboles émouvants des chambres à gaz ne se pétrifient pour ne nourrir ultérieurement que des postures idéologiques. Les récriminations presque unanimes contre de récentes dénégations révisionnistes de la Shoah, proférées dans certains milieux, sont rassurantes. Mais la garde doit rester haute à cause de la faculté de distanciation des humains avec les horreurs du passé. Lorsqu' on évoque aujourd’hui la question de l'esclavage ou le massacre des Indiens d'Amérique, ou encore plus loin, lorsqu'on parle des guerres de religion qui ont presque dépeuplé l'Europe au moyen âge, la charge émotionnelle n'est pas la même que quand on évoque des évènements tragiques de moindre ampleur, mais qui nous sont contemporains. Édith Piaf a eu bien raison de se désoler dans sa chanson "miséricorde". Elle a beau s'agripper désespérément au souvenir de l'odeur de la veste de son bien aimé disparu quand elle dansait contre lui, mais elle sait que la vie "est si moche, que même ça elle va l'oublier".

Après 1945, l’humanité s’était écriée « plus jamais ça ! ». Puis nous avons vécu les camps de la mort au Cambodge, Srebenica et  les 100 jours du génocide tutsi au Rwanda. Encore plus près de nous, la furie meurtrière est en œuvre en Syrie avec plus de 60 000 morts, en majorité des civils, dont des femmes et des enfants, en plus du risque de voir bientôt des minorités religieuses ou ethniques ciblées de façon plus systématique.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’humanité est incapable de tirer les leçons du passé, et que par suite, elle serait condamnée à répéter périodiquement les mêmes erreurs, les mêmes horreurs. Je suis plus enclin à croire que l’ « humanité » en tant que concept est une réalité plus complexe que ce nous postulons, c'est-à-dire des individus avec un niveau d’information et de culture homogène qui transcende l’espace et le temps. La réalité plus triviale nous enseigne que le sniper ou le milicien qui a sévi dans les collines de Cyangugu, n’est pas surement dépositaire du lourd héritage d’autres humains dans d’autres parties du monde. Les dirigeants, qui souvent portent la responsabilité des guerres, sont sans doute informés de la marche du monde et des horreurs qui se passent dans d’autres contrées. Mais les passions et les ambitions prennent souvent le dessus sur ce qui n’est perçu parfois que comme le malheur des autres. En définitive, nous vivons dans un monde très globalisé et qui paradoxalement, souffre de ne pas être intégré davantage. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un monde tellement confraternel que l’indigène vivant dans les recoins de la forêt amazonienne soit sensible au drame humain survenant sur les hauteurs de l’Himalaya. C’est à ce prix que le terme « humanité » recouvrira la plénitude de son sens.

La tâche d’information, d’éducation et de sensibilisation requises pour un tel idéal est certes gigantesque, mais nous n’avons d’autre choix que de nous y atteler sans tarder.

En reconnaissant l’échec de l’Organisation des Nations Unies dans la prévention des génocides au Rwanda et en Bosnie, Kofi Annan avait lancé en 2004 un plan d’action  pour la prévention de ce crime immonde. Ce plan inclut, entre autres, l’établissement du poste de Conseiller spécial pour la prévention du génocide. En coopération avec le Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger, nous nous occupons de prévenir des crimes d’atrocité, y compris le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, ainsi que leur incitation.

Mon bureau dispose d’un mandat global. Il recueille et analyse l’information sur des situations à risque partout dans le monde.  Nous utilisons cette information pour analyser des cas spécifiques et, lorsque nous jugeons qu’il y a un risque de crimes d’atrocités, nous alertons le Secrétaire général et mobilisons les différents organismes des Nations Unies pour mettre en place des mesures de prévention.  De plus, mon bureau s’occupe du renforcement des capacités de prévention des Nations Unies, des États membres, des mécanismes régionaux et sous-régionaux ainsi que de la société civile.  Enfin, nous sommes chargés de promouvoir le concept de la « Responsabilité de protéger », et de faire jour sur les causes et dynamiques du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.

Les crises en République centrafricaine, en République Démocratique du Congo, en Syrie, au Mali et au Soudan, nous rappellent de façon tragique l’ampleur de la tâche de prévention des crimes horribles.  Même si mon bureau tente de faire face de façon quotidienne aux défis de la prévention des crimes d’atrocité, nous ne pouvons agir seuls.

Le travail de prévention a besoin du soutien et de l’engagement de la communauté internationale, et en particulier des États membres qui sont les premiers responsables de la protection de leurs populations. Nous sommes en train de développer un partenariat avec l’UNESCO pour inclure l’éducation à l’Holocauste et à la prévention du génocide dans les curricula scolaires.  Cette éducation sera un élément fondamental dans la promotion des droits de l’homme, des libertés fondamentales, de l’état de droit, et des valeurs de tolérance et de respect.

Les organisations de la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, les centres de recherches et les universités, les groupes de femmes et de jeunes, disposent de nombreux moyens pour contribuer aux efforts globaux de prévention des crimes d’atrocité.  La société civile ainsi que la communauté internationale seront les sentinelles vigilantes pour s’assurer que les gouvernements se hissent à la hauteur de leurs responsabilités quand des populations sont exposées à des risques d’atrocité.  Ces organisations peuvent aussi sensibiliser, éduquer et mobiliser les officiers gouvernementaux pour la mise en œuvre de leur obligation de protection.  Des mécanismes pour la prévention des crimes d’atrocité pourraient être mis en place, en collaboration avec les gouvernements.

Nous convenons tous que l’éducation à la tolérance et au respect  de la diversité est la clé pour la prévention. Cette noble mission se heurte souvent au fanatisme, à la passion et à l’ambition des individus. Mais nous savons heureusement que les peuples éduqués et sensibilisés savent s’ériger en rempart pour défendre leurs valeurs. Agissons donc ensemble pour faire triompher nos valeurs communes. Elles ont pour nom respect de la vie, respect de la différence. C’est à ce prix que nous pourrons, à l’occasion de journées de commémoration comme celle qui nous réunit aujourd’hui, regarder un passé hideux avec la pleine conviction qu’il ne se répètera pas. »

Discours de Serge Klarsfeld, président des Fils et Filles des Déportés juifs de France à l’UNESCO, le 28 janvier 2013 | Crif - Conseil Représentatif des Institutions Juives de France



J’ai été pendant la guerre un de ces enfants que la Solution finale de la Question juive convoitait pour remplir ses chambres à gaz et pour alimenter ses fours crématoires. Nous, les enfants survivants, y avons perdu qui un père, qui une mère, des frères, des sœurs ; parfois même père et mère et frères et sœurs. Pendant des années, des décennies, nous avons rêvé des absents, tenté de combler ce vide immense et de reconstruire une vie normale. Notre histoire était triste, mais ne nous semblait pas remarquable : contrairement aux résistants, les victimes juives n’avaient pas fait le choix de  leur destin ; il avait été le choix des bourreaux.
« Nous n’avions pas choisi d’être pourchassés comme du gibier à travers toute l’Europe dans tous les pays occupés ou soumis au III° Reich. La Shoah s’est abattue sur plus d’un million et demi d’enfants. Je n’ai été confronté à cette volonté exterminatrice »

Nous n’avions pas choisi d’être pourchassés comme du gibier à travers toute l’Europe dans tous les pays occupés ou soumis au III° Reich.  La Shoah s’est abattue sur plus d’un million et demi d’enfants. Je n’ai été confronté à cette volonté exterminatrice qu’en 1943. Cette confrontation aurait pu se passer en août 1942 quand le gouvernement de Vichy avait organisé une gigantesque rafle de Juifs étrangers en zone libre où notre famille s’était réfugiée à Nice ; mais les Juifs roumains, dont nous faisions partie, n’étaient pas encore déportables ; ils ne le furent que trois semaines plus tard, mais en zone occupée et je n’eus pas à craindre une arrestation par la police française. Ce fut ma chance par rapport à la France, car la très grande majorité des enfants juifs dont les familles furent arrêtées n’ont vu que des uniformes français faire irruption  dans leurs domiciles pour y saccager leurs vies. Je suis de ceux, privilégiés, qui n’ont eu à affronter que la Gestapo et les uniformes allemands et c’est sans doute ce qui m’a permis plus tard d’entreprendre ce que j’ai pu accomplir sans cette blessure si douloureuse causée par la France et si difficile à cicatriser  même si le baume des discours de deux présidents de la République Jacques Chirac « Ce jour-là la France accomplissait l’irréparable «  et François Hollande : « Ce crime a été commis en France par la France », même si ce baume s’est révélé efficace. À Nice nous avons connu une période exceptionnellement paisible entre novembre 1942 et septembre 1943, celle de l’occupation italienne, pendant laquelle militaires et diplomates italiens ont empêché Mussolini de livrer les Juifs de leur zone d’occupation soit à la police de Vichy, soit aux Allemands. Nous avons conservé de cette période une profonde reconnaissance  pour l’humanité dont les Italiens ont fait preuve en cette circonstance en s’opposant à la volonté de Mussolini. Quand les Allemands ont envahi la zone italienne, les rafles les plus brutales de l’Europe de l’Ouest ont eu lieu à Nice, où les Allemands bloquaient les rues, contrôlaient les identités, déshabillaient les hommes suspectés d’être juifs, encerclaient les pâtés d’immeuble la nuit, inspectaient les appartements. Le 30 septembre 1943, il y aura bientôt 70 ans, c’était à la veille de la rentrée des classes, vers minuit le bruit des camions, la lumière des projecteurs. Mon père, comme tant d’autres pères juifs en Europe, avait préparé une cachette pour sa famille, une simple cloison en bois s’ouvrant par le bas  et faisant office de mur dans un profond placard ; devant, des vêtements accrochés sur une tringle.

La Gestapo a pénétré dans l’appartement mitoyen sur lequel donnait notre placard : nous entendions les pleurs des fillettes, nos camarades de jeux, frappées par les Gestapistes pour leur faire avouer où se cachait le fils ainé, les parents hurlaient. Nous savions que l’arrestation  signifiait la mort ; notre père nous avait dit quelques jours plus tôt à ma sœur de 11 ans et à moi qui venais d’avoir 8 ans : « si nous sommes arrêtés je survivrai parce que je suis fort, mais vous, vous mourrez ». Nous savions que nous devions être silencieux et ne pas bouger. Quand les Allemands ont sonné, mon père a ouvert et immédiatement ils ont demandé : « où sont votre femme et vos enfants? » ; mon père a répondu que nous étions partis à la campagne, parce que l’appartement venait d’être désinfecté ; ils n’ont pas insisté et se sont mis à fouiller l’appartement. Nous avons entendu la porte du placard s’ouvrir, les vêtements glisser sur la tringle et, par miracle, l’Allemand n’a pas touché la cloison de bois et ne s’est pas rendu compte que ce n’était pas un mur. Nous savions que nous venions d’échapper à la mort et pendant plusieurs mois nous avons rusé avec cette mort dans Nice où se succédaient les rafles et où nous errions d’hôtels en meublés et en pensions de famille jusqu’à ce que ma mère décide courageusement de revenir dans notre appartement où elle accueillerait les Allemands en cas de rafle et où nous irions, ma sœur et moi, nous réfugier dans la cachette. En février 1944 nous réussîmes à  fuir en Haute-Loire où nous ne connûmes aucune menace jusqu’à la libération. Cette nuit de la rafle est restée toute ma vie, comme pour tous les enfants juifs qui ont connu des rafles et perdu des êtres chers, une référence qui a forgé mon identité juive. Je n’en ai ni par la religion, ni par la culture : mon identité juive c’est la Shoah en arrière-plan et un indéfectible  attachement à l’État juif, à l’État d’Israël.

Je partage cette identité spécifique avec beaucoup des Fils et Filles des Déportés juifs de France qui se sont regroupés autour de moi et de Beate, mon épouse, qui n’est pas juive et qui a toujours mené son action en tant qu’Allemande, soucieuse de réhabiliter son peuple par des actes justes et difficiles. Nous avons fait juger et condamner les criminels allemands qui ont organisé la Solution finale en France ainsi que leurs complices français ; nous avons mis en lumière le rôle du Gouvernement de Vichy , complice actif des Allemands dans la persécution, l’arrestation et la livraison des Juifs pour la déportation ; nous avons écrit très précisément l’histoire de la Solution finale en France en ouvrant les archives officielles jusque-là fermées ; nous sommes, Fils et Filles des déportés juifs de France ,de véritables militants de la justice et de la mémoire unis par une communauté de destin.

Nous avons également été des enfants cachés et des enfants protégés ; nous ne l’avons pas oublié et dans notre œuvre historique nous avons été les pionniers pour faire savoir malgré les préjugés quel fut le rôle bénéfique de la population française et des Églises.

Ce fut en 1983 la conclusion de « Vichy-Auschwitz » aujourd’hui partagée par l’ensemble des historiens et de l’opinion publique.

« Les Juifs de France garderont toujours en mémoire que, si le régime de Vichy a abouti à une faillite morale et s’est déshonoré en contribuant efficacement à la perte d’un quart de la population juive de ce pays, les trois restants doivent essentiellement leur survie à la sympathie sincère de l’ensemble des Français, ainsi qu’à leur solidarité agissante à partir du moment où ils comprirent que les familles juives tombées entre les mains des Allemands étaient vouées à la mort ».

Le jour anniversaire de la libération d’Auschwitz où si peu de Juifs qui y arrivèrent furent libérés, n’est pas un jour de réjouissance pour nous vieux enfants rescapés d’un immense naufrage. Nous assumons cet anniversaire comme celui de la Shoah qui est désormais commémoré internationalement à l’échelle du monde entier parce que ce fut un évènement exceptionnel que cette tentative de meurtre collectif, tentative aux deux tiers réussie de l’extermination d’un peuple si ancien et si méritant par un peuple qui était apparemment l’un des plus avancés et des plus civilisés.

Chacune de nos mémoires individuelles de la Shoah va s’éteindre, soufflée comme une bougie par le passage du temps. Mais nous sommes assurés que la connaissance et la conscience de la Shoah qui sont notre lumière collective ne s’éteindront pas. Elles continueront à brûler et à éclairer l’histoire et les générations à venir. Mais la flamme de l’histoire et de la mémoire nécessite des phares comme Yad Vashem à Jérusalem, comme le Musée Fédéral de l’Holocauste à Washington, comme le Mémorial de Berlin et comme le Mémorial de la Shoah à Paris qui est le doyen de ces phares, puisque créé il a 70 ans en avril prochain à Grenoble dans la clandestinité, mais sous l’occupation bienveillante des Italiens.

Ces dernières années ont vu s’illuminer en France d’autres phares grâce à la Fondation pour la Mémoire  de la Shoah entre autres le CERCIL à Orléans devenu le Mémorial des Enfants du Vel d’Hiv, le Mémorial de Drancy enfin à la place où il se devait d’être, face à l’ancien camp de déportation et le Mémorial du Camp des Milles qui jouera dans la région Provence-Côte d’Azur et bien au-delà un rôle remarquable de formation citoyenne.

Ce n’est pas une coïncidence si c’est en France que se sont le plus multipliés les mémoriaux, les plaques commémorant le sort des juifs et surtout des enfants juifs déportés, les stèles rappelant la tragédie des rafles, les mémoires des déportés et des enfants cachés, les ouvrages historiques sur la Shoah ou les œuvres filmées ; c’est parce que la population française qui a succédé aujourd’hui à celle d’il y a 70 ans lui ressemble en cela qu’elle se refuse à oublier qui furent les victimes  et qui furent les bourreaux, de même que la population qui l’a précédée se refusait à participer à la persécution des Juifs et, au contraire, leur a courageusement tendu une main secourable contre la coalition anti-juive du Reich hitlérien et de l’État Français de Vichy  permettant la survie de 240 000 Juifs – ¾ des Juifs de France et en ce qui concerne les enfants à 59 000 d’entre eux d’échapper aux arrestations, tandis que 11 000 étaient déportés dans les centres d’extermination.

Le dernier des survivants de la Shoah en France sera l’un de ces 59 000 enfants préservés certes par la volonté de leurs parents et des organisations juives qui luttaient pour les sauver, mais aussi et surtout par un environnement humain ayant généralement intégré dans son comportement les valeurs morales du christianisme et de la République.