mardi 4 octobre 2011

Les "ressources inhumaines" des nazis


Fabrice d'Almeida raconte la vie quotidienne des bourreaux nazis. Une plongée saisissante au coeur du système concentrationnaire.

Il ne suffit pas d'enfermer ses ennemis, encore faut-il les garder. Les dirigeants nazis ont été aussitôt confrontés au problème. Hitler accédait au pouvoir à la fin de janvier 1933 et, en mars, Himmler, chef de la police politique de Munich, inaugurait le camp de concentration de Dachau. Au début, de simples policiers faisaient l'affaire, jusqu'à ce que les SA, plus motivés, leur succèdent, avant de laisser la place, à leur tour, aux SS. Mais comment la journée des "soldats idéologiques" du Reich, de son élite, se déroulait-elle ? Que faisaient-ils après le "travail" ?

Fabrice d'Almeida, qui a déjà abordé le nazisme sous l'angle remarqué de la vie mondaine, se penche sur le sujet avec Ressources inhumaines, plongée dans l'univers des bourreaux. En dix ans, rappelle-t-il, le système concentrationnaire nazi enregistre une extraordinaire mutation. Les lieux d'éloignement et de répression se transforment en pôles de main-d'oeuvre, en centres d'extermination et en unités de recyclage. La rationalisation des coûts, les obligations de résultat, y compris dans le meurtre de masse, ouvrent des perspectives aux gestionnaires. A eux d'optimiser le rendement des 40 000 individus au coeur du système.

Les gardiens célibataires ont droit à des visites au bordel situé hors les murs : ouverture entre 17 et 23 heures.

Himmler est particulièrement sensible au sujet. Ingénieur, ancien petit patron, chargé au début du régime des relations avec les chefs d'entreprise, il a la fibre managériale. Il a conscience que "tuer en série n'est pas si facile", selon l'expression de son biographe Peter Longerich. Il se rend régulièrement sur le terrain, car il n'ignore pas que les "conditions de travail" sont épouvantables. Les camps sont des chaos surpeuplés (Bergen-Belsen, prévu pour 2 000 prisonniers, en accueillera jusqu'à 100 000), nauséabonds (faute d'eau, les prisonniers ne peuvent se laver et les latrines fonctionnent mal) et morbides (typhus). Que faire pour éviter la démoralisation des bourreaux ? Aménager leur bien-être, et en premier lieu la qualité de la nourriture. Les cuisiniers ont, il est vrai, tout à portée de main : des parcelles et des potagers entretenus par les prisonniers, voire une basse-cour, des clapiers et une porcherie, comme à Buchenwald. Le chef de ce camp est d'ailleurs une fine gueule et ses dîners, particulièrement sa cave, sont prisés. Pendant que les détenus meurent de faim, les gardiens se régalent. Mais l'essentiel de l'effort de l'administration SS porte sur les distractions, pour conjurer le spectre de... l'ennui : le plus souvent cartes, séances de cinéma, radio. Certains camps ont une bibliothèque. A côté de la littérature de voyage et des romans policiers, on trouve Terre des hommes, de Saint-Exupéry, car les SS sont des passionnés d'aviation. A Mauthausen, les instrumentistes sont bien servis : 16 violons, 1 cithare, 2 guitares, 5 mandolines et 80 harmonicas. Les autres se partagent les tourne-disques. Bien sûr, le sport est encouragé : gymnastique corrective avec des medicine balls ou des poids, football et handball, escrime, boxe. Les piscines et autres installations sont à la disposition de tout le personnel. Last but not least, Himmler veille sur le repos du "guerrier" idéologique. Si le mariage constitue l'idéal, les gardiens célibataires ont droit à des visites au bordel situé hors les murs : ouverture entre 17 et 23 heures. Les prostituées ont, bien sûr, le même statut racial. L'efficacité criminelle ne doit rien laisser au hasard.

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