vendredi 12 avril 2013


Procès des criminels de guerre nazis: "C'est une course contre la montre"


Thomas Walther est ce magistrat qui a permis à l'Allemagne de juger le criminel de guerre John Demjanjuk. L'Express a recueilli ses réactions à l'ouverture de nouvelles enquêtes visant 50 anciens gardiens du camp d'Auschwitz-Birkenau. 

Procès des criminels de guerre nazis: "C'est une course contre la montre"
Thomas Walther, pendant le procès Demjanjuk: "La 'découverte', en 2013, de cette cinquantaine d'anciens SS ne fait que souligner les invraisemblables erreurs et lacunes de la justice allemande par le passé."
REUTERS/Michaela Rehle
Le Centre national d'enquête de Ludwigsburg, créé en 1958 pour traquer les criminels de guerre nazis, vient d'annoncer qu'il examinait le passé de 50 hommes, âgés de 85 à 90 ans, ayant tous servi dans les rangs des gardiens du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Les premiers dossiers pourraient être soumis à la justice allemande dans quelques mois. 
L'Express a recueilli les réactions de Thomas Walther, l'ex juge qui a permis à la justice allemande de condamner John Demjanjuk, ancienne sentinelle du camp de Sobibor (Pologne), pour complicité d'assassinat en 2011. 
Que vous inspire l'ouverture de ces enquêtes?
J'éprouve des sentiments mitigés. Près de sept décennies après les horreurs de l'Holocauste, voilà que surgissent, bien vivants, d'anciens gardiens de Birkenau. A mes yeux, la "découverte", en 2013, de cette cinquantaine d'anciens SS ne fait que souligner les invraisemblables erreurs et lacunes de la justice allemande par le passé. Par ailleurs, la liste recensant les ex-sentinelles d'Auschwitz-Birkenau n'est pas vraiment nouvelle. Elle est tirée de la "liste de Francfort", dressée à l'issue des procès des anciens SS d'Auschwitz qui se sont déroulés dans cette ville, dans les années 1960. Les 50 gardiens dont il est question aujourd'hui sont les survivants de ce fichier sur lequel figuraient près de 4000 noms. Par ailleurs, toutes les enquêtes ouvertes ne déboucheront pas sur des poursuites pénales. Et tous les suspects ne survivront pas jusqu'à un éventuel procès. 
Pourquoi ne pas avoir ouvert ces enquêtes plus tôt?
Mi-2012, le Centre de Ludwigsburg a entrepris de concentrer ses efforts sur le personnel des camps d'extermination. La décision aurait pu être prise plus tôt... Il est vrai qu'avec 7 enquêteurs, ses moyens sont limités. Mais rien n'interdisait aux ministres régionaux de la Justice, qui assurent la tutelle de Ludwigsburg, de renforcer les effectifs afin que le Centre soit en mesure de mener sa tâche à bien, dans les délais les plus courts. Question de volonté politique... Une partie de notre société refuse encore de faire le procès du passé. 
Quand pourraient avoir lieu les premiers procès?
Il faut compter entre un et trois ans, en fonction des moyens humains mis en oeuvre par les services régionaux de police judiciaire et par les différents parquets compétents. C'est une course contre le temps qui est engagée. Pourtant, même si aucun procès n'a lieu, même si aucune condamnation n'est prononcée, il n'est pas trop tard pour envoyer le message suivant, de la plus haute importance politique et juridique: la justice allemande a reconnu les erreurs du passé et les a corrigées. Que les futurs bourreaux et leurs assistants se le tiennent pour dit: ils pourront être condamnés pour complicité d'assassinat, même sans preuve d'une participation directe au crime. 

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