lundi 18 mai 2009

Le Pape Benoit XVI à YAd Vashem

Ce que le Pape Benoit XVI n'a pas dit à Yad Vashem...

Lors de son discours le 11 mai au mémorial de la Shoah, à Jérusalem, le Pape Benoît XVI a blessé ses hôtes israéliens en élargissant la tragédie de l'Holocauste à sa dimension universelle. Il a aussi marqué la fin de la repentance catholique.

Il s'en serait fallu de trois fois rien. Quelques mots pour dire son émotion de pape, né et grandi au pays de la barbarie nazie, l'Allemagne. Quelques mots venus du coeur devant ce mémorial de Yad Vashem, emblème de l'insondable, de l'innommable tragédie de la Shoah. Benoît XVI ne les a pas prononcés.

Benoît XVI a prononcé lundi 11 mai un discours au mémorial de Yad Vashem, jugé frileux par certains observateurs.

Le Saint Père a parlé "d'atrocité" déshonorant "l'humanité". Il a prié pour que "toutes les personnes de bonne volonté" demeurent "vigilantes à déraciner du coeur de l'homme tout ce qui peut conduire à des tragédies comme celle-ci". Il a évoqué le "cri" des victimes, "reproche perpétuel contre le sang versé innocent". Mais il ne s'est pas impliqué intimement dans cette oraison funèbre et conjuratoire comme l'avait fait Jean-Paul II, en 2000, en évoquant le souvenir "de ses voisins et amis juifs" morts durant l'Holocauste.

Pourquoi Benoît XVI a-t-il choisi de rester en retrait, sachant qu'il fournirait là matière à polémique et décevrait sans coup férir ses hôtes israéliens, déjà hérissés par l'affaire Williamson? Parce qu'il avait "déjà dit" tout cela lors de sa visite à Auschwitz, en mai 2006, a répondu le porte-parole du Saint-Siège, Fédérico Lombardi.

C'est un premier élément d'explication. Mais ce n'est évidemment pas le seul. Benoît XVI a-t-il dramatiquement sous-estimé le ciment symbolique que constitue Yad Vashem dans la société israélienne? Sans doute, mais pas seulement. Dans son discours, qu'il est intéressant d'analyser de près, le pape élargit, bien évidemment en parfaite connaissance de cause, la tragédie de la Shoah à sa dimension universelle, et non plus simplement raciale. "L'humanité", "l'homme", "l'histoire humaine" traversent son propos, comme un fil ténu retenant les âmes au-dessus du précipice.

L'holocauste, dit-il en substance, n'est pas seulement l'oeuvre criminelle d'un peuple envers un autre, le peuple juif, mais une effroyable question posée à l'espèce humaine dans son entier: jusqu'où l'homme peut-il aller dans l'avilissement et le renoncement de ce qui fait, précisément, son humanité? D'où sa mention à tous ceux qui "sont l'objet de persécutions pour des raisons de race, de couleur, de condition de vie ou de religion".

Cette vision, dont on peut critiquer le caractère trop abstrait, a pour conséquence de dépasser la singularité de la Shoah - génocide nazi perpétré à l'encontre du peuple juif. Ce que les Israéliens sont parfaitement fondés à juger insupportable.

Troisième élément d'explication: Benoît XVI veut tourner la page de la repentance, la demande de pardon de l'Eglise à la communauté juive pour près de deux mille ans d'antijudaïsme. Jean-Paul II est allé très loin sur ce chemin capital et nécessaire. Une partie du monde catholique -dont les traditionnalistes- partagent aujourd'hui ce désir "d'en finir" avec ce qu'ils considèrent comme des mortifications excessives et, à terme, nuisibles pour l'image de leur religion. "L'Eglise catholique [...] éprouve une profonde compassion pour les victimes dont il est fait mémoire ici", souligne plus loin le pape dans son discours, sous le regard de papier des portraits de disparus.

Loin de demander pardon, l'Eglise, dans la bouche de Benoît XVI, reprend en quelque sorte du galon. Elle renoue avec ce qui la fait naître: le message de l'Evangile. Et c'est bien là, sûrement, où ce pape du "ressourcement" et de l'affirmation chrétienne voulait en venir. Que cela plaise ou pas.

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