jeudi 25 novembre 2010

Des affiches antisémites placardées à Paris





Le collage sauvage d'affiches portant en toutes lettres l'inscription "mafia juive" accolée aux mots "racket", "meurtre", "drogue" ou encore "escroquerie" suscite l'émoi depuis quelques jours à Paris et en proche banlieue. "C'est un mélange de tristesse et de rage face à la survivance d'un antisémitisme primaire", déclare Paul-Jacob Dana, un habitant de Boulogne-Billancourt qui a découvert une de ces affiches. L'adjoint au maire de Paris chargé de la Culture, le socialiste Christophe Girard, partage son émotion. "C'est parfaitement intolérable de voir de telles choses en 2010 ! J'ai découvert cette affiche en sortant de chez des amis qui vivent dans le 11e arrondissement et mon réflexe a été d'aller chercher de quoi l'atteindre pour pouvoir l'arracher", raconte l'élu. Reproduisant fidèlement la couverture d'un livre signé d'un auteur d'extrême droite, Hervé Ryssen, les affiches représentent trois hommes censés figurer "les grands prédateurs internationaux" de la "mafia juive". Une version imagée de la théorie du complot.

Alerté par des particuliers, le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) a publié un premier communiqué le 12 novembre, demandant publiquement à la mairie de Paris de "faire détruire immédiatement ces affiches à caractère antisémite". Ce que l'Hôtel de ville s'est empressé de faire, de même que les mairies de Boulogne-Billancourt et de Levallois-Perret. La "fonctionnelle", service municipal de voirie de la capitale, mobilisable 24 heures sur 24, est jusqu'ici intervenue sur une quarantaine de sites où figuraient parfois plusieurs exemplaires de l'affiche. "Elles étaient presque toujours placées en hauteur de manière à ne pas pouvoir être décrochées facilement par les passants", explique la ville de Paris. Dans la foulée, le BNVCA a décidé de déposer plainte pour "incitation à la haine raciale" même si son président Sammy Ghozlan confie qu'il aurait préféré que "la justice s'autosaisisse". La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) prévoit de faire de même dans les prochaines heures.

Une plainte déposée

Nombreux sont ceux qui voit la patte de l'extrême droite dans cette campagne. Pour le chercheur Marc Knobel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), cet incident montre que "le militantisme d'extrême droite est en train de monter d'un cran". Très actives sur Internet, ces mouvances radicales "veulent désormais que leur propagande s'affiche dans les rues, c'est-à-dire à la vue de tous".

Sur le toile justement, il est possible d'acquérir ces affiches. C'est d'ailleurs Hervé Ryssen, passé du communisme libertaire à l'extrême droite radicale, qui propose tout bonnement sur sa page internet de la lui commander : "150 affiches pour 15 euros, frais de port de 13 euros". "Quelques amis nous ont finalement convaincus de reprendre la couverture du livre pour en faire une affiche. Voilà qui est fait. L'affiche, de format 38 x 62 cm, est destinée à être collée sur les murs de votre ville", explique-t-il.

Interrogé par France 3 Ile-de-France, le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, voit un possible lien entre cette campagne d'affichage et la bataille que se livrent Marine Le Pen et Bruno Gollnisch pour la présidence du Front national. Hervé Ryssen a, en effet, signé plusieurs articles dans le journal d'extrême droite Rivarol, qui prend farouchement parti pour Bruno Gollnisch. Dans l'entourage du candidat, on affirme cependant "ne pas connaître ce monsieur Ryssen". "Nous ne cautionnons absolument pas les écrits de Rivarol", ajoute-t-on.


Les deux hommes estiment qu'il est temps que "le ministère de la Justice fasse appliquer la législation existante en matière de racisme, de discrimination et d'antisémitisme".

Car, s'il est aujourd'hui trop tard pour envisager une interdiction du livre d'Hervé Ryssen, il est encore possible de réagir face aux affiches reproduisant sa couverture.

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